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Tchoumeries : Nom associé aux choses réussissant à se démêler du long poil reliant les mains de Tchoum.
23 avril 2010

Agnus Dei

               Mont_mou_12_au_13_septembre_09__63_   

(Camping du Mont Mou, 12 et 13/09/09, ici Homme Bosquitoda et Lisapouet)

            Qui s’est déjà endormi alors qu’il ne s’était qu’allongé sur une de ces surfaces moelleuses qui nous avalent de leur confort tiède, a déjà du connaitre cette horrible sensation, fruit d’un Morphée en manque, tapi au fond de la mollesse de nos actions. Bien que l’heure du sommeil n’ait pas sonné, le corps fatigué, enfoncé dans un processus enclenché sans notre autorisation, se retire lentement de la circulation de la vie qui nous entoure. Mais le cerveau, dans la même torpeur que sa base de chair et d’os, s’est laissé berner par le flottement des pensées, la légèreté des membres, le clignement des paupières, la mousse aux coins des lèvres –tout ça sans danger et dans une totale légalité. Or, si la sieste nous a prise par surprise, elle ne nous laisse pas moins une agréable sensation de perte de temps méritée et de devoir accompli.

            Sauf, lorsqu’elle agit en s’essayant à ces pratiques indiennes, lorsqu’elle nous prend dans une position non recommandée à garder pendant plusieurs unités de temps. Et que cette position implique un bras sous la nuque, sous la tête, ou sous le dos (un peu plus avant-gardiste, comme position, ou un peu plus masochiste, au choix), du moins, sous quelque chose (une partie du corps de préférence) susceptible de couper la circulation du sang (la ralentir, ou je-ne-sais-quoi, je ne suis pas docteure).

            Parce qu’au moment du réveil, il se passera un évènement assez choquant pour un musicien comme moi (ou un sportif, enfin là encore, il y a le choix), moins pour un grand shooté de la vie, un anesthésié ou un handicapé (oh le mauvais goût) : la sensation de perclusion dudit bras. Ou en d’autres termes, la sensation d’avoir perdu un bras, parce qu’on a beau vouloir le lever, il ne se lève pas. Alors on essaye de le tenir avec l’autre main, on le met en équilibre sur le coude, l’avant-bras faisant un 90° avec le matelas (tiens, on avait oublié qu’on avait dormi… Combien de temps déjà ?).

            De là, on effectue un lancé de bras (celui qui peut encore bouger), du grand art corporel, pour attraper une montre, ou pour tenter quelques abdominaux pour entrevoir l’horloge accrochée au mur de la cuisine, et pendant ce court instant sportif, et il faut l’admettre, un peu ridicule, on entend un bruit sourd qui semble provenir du côté de feu bras (l’oreille encore un peu engourdie de s’être endormie dessus). Oui, c’est bien ça, le bras en équilibre (précaire) est lâchement et lourdement retombé le long de notre buste, et on a rien senti. Absolument rien !

            C’est là qu’on commence (un peu) à s’inquiéter, comme cette histoire de peste à Oran, on entreprend des massages (pas comme pour la peste à Oran) énergétiques (que l’on veut énergétiques, plus exactement –l’instant ne permettant pas l’utilisation véritable de l’adjectif), on frictionne, on souffle sur cette peau froide, on se rend compte qu’on a une haleine de chacal, on essaye de secouer le bras en prenant son épaule pour un vibromasseur, on finit par réussir à plier et déplier les doigts, et là les picotements tant attendus font leur apparition. D’abord désagréables, ils nous chauffent petit à petit et on se sent mieux. Ou alors c’est l’inverse, les anglais conduisent bien à gauche.

            Le bras retrouve toute sa vigueur –d’antan- et on se sent obligé de lui faire faire de l’exercice pendant quelques instants pour être sur qu’on n’a pas été victime du syndrome du perclus (celui où on croit que nos orteils nous démangent alors qu’on a plus de jambe). On se dit que ça a quand même été une grosse frayeur, qu’en se réveillant on s’est mis dans la tête (ou plutôt le corps) des rescapés du Vietnam (on extrapole, mais on a failli perdre un membre, alors on a le droit), que plus jamais on s’endormira dans cette position, qu’on se documentera sur la sécurité routière, qu’on pourra écrire quelques phrases lyriques et baudelairiennes avec de la mort mortifiée ponctuée par un suspense insoutenable de trois petits pois comme « J’étais allongée sur le bras d’une morte, et ce bras, c’était le mien… », et que la prochaine fois, on essaiera de ne plus baver sur l’accoudoir du canapé.

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Tchoumeries : Nom associé aux choses réussissant à se démêler du long poil reliant les mains de Tchoum.
  • De la Nouvelle-Calédonie à la Métropole en passant par Jakarta l'Australie et le 7ème ciel; de l'écrit à la photographie en passant par le dessin les démos et le 7ème art. Bac+glandage (soit 0) et toutes mes dents, et bien plus encore.
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